Tabac : des députés européens fichés par Philip Morris
Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 21.09.2013 à 15h23 • Mis à jour le 21.09.2013 à 17h11
Pour défendre ses intérêts, le numéro un mondial du tabac, Philip Morris, a adopté des méthodes similaires à celle du lobby des armes à feu aux Etats-Unis. Le cigarettier classe les députés européens en fonction de leur sensibilité aux arguments du lobby du tabac, en vue de l'examen imminent de la prochaine directive européenne antitabac. Des documents confidentiels datant de 2012 et 2013, révélés samedi 21 septembre par Le Parisien, montrent que l'ensemble des eurodéputés, dont soixante-quatorze Français, font l'objet d'une telle classification.
Des ennemis farouches (Corinne Lepage, Michèle Rivasi) aux alliés (Christine de Veyrac, Constance Le Grip), en passant par les responsables "à rencontrerd'urgence" (Stéphane Le Foll, Brice Hortefeux, José Bové), chaque nom est associé à un commentaire. Dans quel but ? Si Le Parisien n'a pas trouvé trace évidente de corruption, le quotidien affirme que les cent soixante et un lobbyistes travaillant pour Philip Morris disposent d'un budget total de 548 927 euros pour l'organisation d'"événementiels". Invitations à des matches de football, à des conférences, l'influence du lobby passerait par ces "programmes d'hospitalité".
LE REPORT DU VOTE, UNE VICTOIRE POUR LE LOBBY
En ligne de mire des cigarettiers, la directive européenne antitabac qui doit être examinée le 9 octobre au Parlement européen, et que le lobby entend biencombattre au nom des "libertés publiques". Or, des associations avaient dénoncé au début de septembre l'influence des lobbyistes dans la décision des eurodéputés de repousser l'examen du texte d'un mois – ce qui pourrait empêcher une adoption avant les élections européennes de 2014.
Le 7 septembre, le quotidien britannique The Observer avait également révélé quePhilip Morris avait dépensé des millions d'euros pour financer le travail de ses lobbyistes auprès des eurodéputés. En 2012, le commissaire à la santé européenJohn Dalli avait déjà été poussé à la démission en raison de soupçons de corruption par des lobbyistes du tabac qu'il aurait secrètement rencontrés.
Dans un communiqué, Philip Morris qualifie d'allégations les informations duParisien et les conteste formellement. Le groupe dit respecter les règles en matière de lobbying et de respect de la vie privée. "Les dossiers dont il est fait mention reflètent simplement une perception des opinions exprimées par les élus amenés à discuter et adopter des textes de lois", lit-on dans le communiqué."Ceci est en adéquation avec les usages et conforme à ce que font d'autresentreprises, ONG ou autres groupes d'intérêt dans le cadre d'un processus législatif normal afin de porter à la connaissance des élus les problématiques et enjeux."
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